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Instances gouvernementales

Ces dernières années, opinions divergentes et désaccords se sont multipliés concernant la légalisation de ces tests génétiques. En effet, la quasi totalité des pays européens - par exemple - les ont autorisés tandis que d'autres pays, comme la France, ont tendance à les diaboliser et a sévèrement sanctionner leur utilisation. Il convient donc d’étudier les différents points de vue des acteurs de cette controverse, leurs rôles et leurs engagements.

 

Instances parlementaires, gouvernementales, administratives et judiciaires françaises

 

En France, le parlement et le Gouvernement ont édicté des lois et réglementations régissant le recours aux tests génétiques, le stockage et l’utilisation des données liées au génome humain. La position retenue est stricte et interdit aux laboratoires de réaliser des tests génétiques récréatifs, c’est-à-dire des tests génétiques n’ayant ni une visée médicale, ni judiciaire, ainsi qu’aux citoyens français d’y avoir recours sans prescription par l’Etat.

En effet, seul un juge peut se prononcer dans des situations particulières (notamment pour les tests de paternité) et donner son accord, ou non, pour la réalisation d’un test génétique.

 

Lors de l’examen en commission du projet de la loi bioéthique, L’Assemblée Nationale, a refusé de légaliser les tests génétiques récréatifs en France. Le 4 octobre 2019, elle a même interdit la diffusion de publicités liées à ces tests ; cela visait notamment les spots télévisés diffusés par MyHeritage (entreprise américaine spécialisée dans la réalisation de tests génétiques).

Certains députés cependant, sont pour la légalisation des tests génétiques récréatifs en raison du nombre de français très important qui ont déjà eu recours à des tests ADN personnels ayant pour but de retracer leurs origines et celles de leurs ancêtres. Parmi ces députés, il y a par exemple Bruno Fuchs, le 6ème député de la circonscription du Haut-Rhin en 2017 qui est du parti des Démocrates mais aussi Jean-François Eliaou et Monique Limon, tout deux du parti En Marche. 

 

Le Sénat, contrairement à l’Assemblée Nationale, a voté en faveur de l’autorisation des tests ADN généalogiques. Sachant qu’un grand nombre de Français passent par des entreprises étrangères pour réaliser ces tests, beaucoup d’informations génétiques se retrouvent stockées dans des bases étrangères peu soucieuses du respect de l’anonymat de nombreux individus. Leur utilisation par ces entreprises n’est pas toujours claire ou explicite, et la confidentialité des données n’est pas toujours respectée puisqu’elles peuvent être revendues à des laboratoires privés sans que la personne à qui appartiennent ces données en soit conscient ou informé.

 

C’est pourquoi, aux yeux de certains sénateurs, une légalisation et un meilleur encadrement de ces tests en France aurait été souhaitable afin de mieux protéger la confidentialité de ces données personnelles, l’identité des individus, et moyennant des sanctions renforcées jusqu’à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d’amende pour toute action jugée répréhensible. De plus, ils proposaient la mise en place de mesures de prévention afin d’avertir les potentiels intéressés des risques encourus lors de la réalisation de ce genre de tests, et de leur permettre de révoquer leur consentement s’ils le souhaitent avant de s’engager définitivement.

 

Lors de la séance publique du 28 Janvier 2020, le Sénat s’est opposé à la majorité sur les tests ADN généalogiques “récréatifs”. Il y a eu rejet de l’ajout de l’article 10bis demandé par La commission Spéciale Bioéthique du Sénat, qui souhaite encadrer les pratiques de ces tests en France. Différentes personnes et partis étaient opposés.

Certains étaient engagés contre l’autorisation de ces tests récréatifs en France, parmi lesquels nous relevons :

 

  • Le groupe CRCE (Communiste, Républicain Citoyen et Écologiste), appuyé par le groupe LR ont déposé un amendement de suppression de cet article (article 10 bis, la commission spéciale sur la bioéthique du Sénat projette d’ajouter celui-ci au projet de loi sur la bioéthique visant à encadrer la pratique de ces tests).

 

  • Le président du groupe LR, Bruno Retailleau assure que “Notre modèle bioéthique doit éclairer les autres nations et ne pas s’aligner”. Celui-ci montre que les tests sont à “visées commerciales”, et doivent être interdits en France.

 

  • La sénatrice communiste, Laurence Cohen affirme que “Nous assistons aujourd’hui à une recrudescence des entreprises privées étrangères proposant des tests génétiques en libre accès sur internet malgré leur interdiction en France. Sans que nous soyons en mesure de connaître le sort de ces données par nature extrêmement sensibles”.

 

  • La ministre de la Santé et des Solidarités, Agnès Buzyn : “Si la lecture de la séquence d’un génome humain ne pose aucune difficulté, son interprétation reste très complexe et dépend des bases de données auxquels on compare le génome (…) Elle doit être justifiée par des objectifs légitimes, notamment médicaux, et ne peut l’être uniquement par un pseudo intérêt récréatif qui peut entraîner des conséquences néfastes pour l’intéressé et pour sa famille. Il nous semble que ces tests n’ont de récréatifs que le nom”.

 

D’autres, au contraire, ont insisté sur le retard de la France dans le domaine de la génétique par rapport à nos pays voisins :

 

  • Le sénateur centriste et rapporteur de la commission de bioéthique, Olivier Henno : “Nous sommes, avec la Pologne, l’un des seuls pays où c’est interdit (…). Le choix de la commission, ça a été de dire au lieu d’interdire essayons d’encadrer, puisqu’on ne sait pas interdire. Pour se faire, la commission du Sénat prévoyait l’interdiction de transmission de données médicales, et l’interdiction de l’utilisation de ces données pour faire valoir des droits patrimoniaux ou des liens de filiation.” Le sénateur justifie l’ajout de l’article 10bis par la “virtualité” de l’interdiction de ces tests génétiques majoritairements accessibles sur internet.

D’ailleurs, parmi les 222 amendements proposés modifiant le texte de la loi de bioéthique, l’amendement d’Olivier Henno, autorisant la légalisation des tests de généalogie génétique, a été adopté par les 37 membres de la 

commission : 

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Rapport déposé le 8 janvier 2020 par les sénateurs suivants :

 

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Le ministre de la Santé, Olivier Véran, évoque les risques d’une normalisation des tests génétiques : “Toute la population française se demanderait si elle n’est pas porteuse de la maladie et risquerait de tomber sous l’influence de charlatan”. L’ancienne ministre de la santé a également eu une voie décisive dans le maintien de l’interdiction des tests de généalogie génétique. Elle a justifié son choix en affirmant qu’ils peuvent être utilisés à but commercial et “Dans ce cadre, nous ne sommes pas certains qu’ils respectent la confidentialité des données, ni la vie privée des personnes testées et de leur entourage.” (Agnès Buzyn).

 

Les juges ont pour responsabilité de trancher les litiges opposant des parties adverses. Concernant les tests génétiques récréatifs, les magistrats sont assez partagés sur le sujet. Si certains considèrent que le public n’est pas suffisamment averti sur les risques que comporte la réalisation de ces tests, d’autres y voient de nombreuses opportunités pour permettre l’évolution de la médecine de pointe française. Par l’exposition de données biologiques sensibles qu’engendrent des tests non encadrés, nombreux sont ceux qui s’y opposent catégoriquement. Ils considèrent également que laisser des données aussi sensibles et intimes à des sociétés étrangères n’est pas compatible avec le respect des règles de protection des données personnelles et de la vie privée prévalant en France.

A contrario, certains pensent que même si la réalisation de ce genre de tests est interdit en France, rien de concret n’est mis en oeuvre pour stopper les demandes en ligne - le moyen le plus prisé pour la quasi totalité des échanges.

De plus, les lois en vigueur (notamment l’article 226-28-1 du Code Pénal qui stipule que : “Le fait, pour une personne, de solliciter l'examen de ses caractéristiques génétiques ou de celles d'un tiers ou l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques en dehors des conditions prévues par la loi est puni de 3 750 € d'amende.”) ne sont, dans les faits, pas appliquées par le gouvernement.

Par ailleurs, autoriser ces tests serait bénéfique pour la recherche, l’industrie et les avancées technologiques en France dans le domaine des biotechnologies plutôt que de favoriser les entreprises basées dans des pays étrangers.

 

La Sécurité Sociale, ainsi que les assurances et les mutuelles, refusent de participer au remboursement de ces tests purement récréatifs qui sont interdits, condamnés et blâmés en France. Néanmoins, un accès à ces données personnelles peut en partie permettre de connaître l’état de santé des clients, informant sur les éventuelles prédispositions aux maladies génétiques, ce qui peut s’avérer intéressant pour les assurances et les mutuelles afin d’éviter les dettes non remboursées suite à un décès fortuit. Aujourd’hui, l’accès à ces données ne leur est pas accordé et condamné.

La Convention d’Oviedo ainsi que la Déclaration Universelle sur le Génome Humain ont été adoptées à l'unanimité à la 29e Conférence générale de l'UNESCO, le 11 novembre 1997. “La Convention interdit toute forme de discrimination à l'encontre d'une personne en raison de son patrimoine génétique et n'autorise des tests prédictifs de maladies génétiques qu'à des fins médicales.”

En 2019, L'assureur Aviva, qui refusait de verser le capital décès à une veuve, au motif que son mari n'avait pas déclaré qu'il était porteur du gène responsable de la maladie de Huntington, a été condamné par la justice sur la base de l'interdiction de toute discrimination génétique.

 

Le CCNE (Comité Consultatif National d'Ethique), ayant pour mission de se prononcer sur les problèmes moraux soulevés par la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, donne aussi un avis partagé sur les conditions d’emplois de ces tests récréatifs. Celui-ci se veut favorable aux tests génétiques mais seulement dans un but médical. Le comité exige également une certaine transparence sur les résultats des investigations de ces tests, ainsi que sur l'utilisation des données récupérées par les entreprises.

 

La CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés), chargée de protéger, de réguler et d’apporter son aide aux particuliers afin de maîtriser et protéger leurs données personnelles, est quant à elle réticente face à la marchandisation des données génétiques. De plus, les risques liés à la manipulation génétique et à la perte de maîtrise du patrimoine biologique s’avèrent être selon elle un vecteur de distinction parmis les autres êtres humains pas seulement individuel, mais aussi collectif.
 

En effet, en 2017, la CNIL publiait son premier “Point CNIL : Les données génétiques”, où elle indiquait : “les données génétiques présentent aussi la particularité d’être non seulement personnelles mais aussi pluripersonnelles car transmissibles et partagées”. Un individu effectuant des tests expose également l’ADN de ses proches, ce qui permet de tracer avec, ou sans,  leur consentement un gigantesque réseau de proximité génétique des personnes. Ce dispositif donne lieu à de nouvelles méthodes de traçages, notamment dans la police scientifique.

La CNIL dans une note de 2018, avait alerté sur “l’impossibilité d’anonymiser totalement les données génétiques”.

 

Institution de recherche gouvernementale

 

L’Inserm (l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) rappelle qu’en France, les tests génétiques sont toujours effectués dans un cadre médical, avec une consultation en génétique permettant d’éclairer le patient et sa famille sur l’intérêt du test et sur les conséquences éventuelles de son résultat (risque pour la descendance, pronostic vital menacé, suivi thérapeutique à mettre en place, interruption médicale de grossesse...). L’institut met aussi en garde le lecteur contre les tests en vente sur internet, leurs dangers et leur manque de fiabilité. “Les tests proposés ne sont pas forcément validés et ces services sont souvent proposés sans aucune intervention de professionnels de santé. Ce manque constitue un risque de désinformation majeure sur les conséquences possibles des résultats, dans un sens ou dans l’autre. Un conseil en génétique est absolument fondamental pour encadrer toute réalisation de test génétique.”.

Enfin, l’Inserm met à disposition sur son site internet différents témoignages de professionnels de santé, comme celui de Catherine Bourgain :

“[...] certaines entreprises conservent les échantillons de leurs clients et suivent leurs déplacements par téléphone ou leur navigation sur Internet. Elles constituent ainsi d’immenses bases de données génétiques, qui intéressent les laboratoires pharmaceutiques [...]”. 

 

Instances gouvernementales internationales

 

Le 30 avril 2002, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) publie le rapport “Genomics and World Health” en faveur des tests génétiques et de la médecine génétique estimant que les avancées majeures de la recherche en génétique pourraient améliorer prochainement la lutte contre des maladies telles que le paludisme, la tuberculose ou encore le VIH/SIDA, et ainsi sauver des millions de vies, principalement dans les pays en développement.

 

D’après le rapport de la Commission III. à la 20e séance plénière (le 16 oct. 2003), l’UNESCO (L'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture) s'exprime à propos de ses décisions sur les données génétiques humaines, reconnaissant que ces données peuvent avoir une incidence significative sur la famille, y compris la descendance, sur plusieurs générations. 

Elles peuvent contenir des informations dont l'importance n'est pas nécessairement connue au moment où les échantillons biologiques sont collectés. L’UNESCO déclare que “toutes les données médicales, y compris les données génétiques quel que soit leur contenu apparent, devraient être traitées avec le même degré de confidentialité.” C’est ainsi qu’elle impose un regard sur l’importance de ces données et leur confidentialité devenant petit à petit une importance croissante dans les domaines économiques et commerciales. La collecte, le traitement, l'utilisation et la conservation des données génétiques humaines sont d’une importance capitale pour les progrès des sciences de la vie et de la médecine, pour leurs applications et pour l'utilisation de ces données à des fins non médicales qui peuvent porter atteinte au respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales ou encore du respect de la dignité humaine.

 

Le Conseil de l’Europe appelle les Gouvernements de ses Etats membres à garantir l’absence de toute discrimination, y compris sur la base de caractéristiques génétiques, et la protection de la vie privée dans le cadre des contrats d’assurance couvrant les risques liés à la santé, à l’âge ou au décès. “Les données à caractère personnel concernant la santé ou le patrimoine génétique sont extrêmement sensibles et doivent être dûment protégées. Les Gouvernements ont le devoir de veiller à ce que nul ne fasse l’objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques. En conséquence, les tests génétiques à des fins d’assurance doivent être interdits”, a déclaré le Secrétaire Général, M. Jagland, ajoutant que “nos recommandations montrent comment mieux protéger les droits des assurés sur un marché de plus en plus international”.

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